En Antarctique avec Caroline Côté, exploratrice polaire
En janvier 2023, Caroline Côté a battu le record du monde en franchissant la distance de 1 138 kilomètres entre Hercules Inlet et le pôle Sud, en ski, seule et en autonomie complète. Dans un livre intitulé L’appel de l’Antarctique, elle raconte comment elle a réalisé son plus grand défi en carrière, de la préparation jusqu’au dénouement. Nous nous sommes entretenus avec cette cinéaste d’aventure et athlète de longue distance.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vouloir battre ce record?
Battre le record n’était pas ma motivation première. Mon désir était d’amener d’autres femmes à vivre des aventures comme la mienne, à repousser leurs limites et à prendre confiance en elles.
Dans votre livre, vous affirmez que vos expéditions vous permettent de vous sentir en vie. Que voulez-vous dire?
Le fait de partir avec peu lors d’une telle expédition oblige à se sentir en mode survie. Je devais traîner 70 kg constitués uniquement de nourriture, de gaz pour mon réchaud et de quelques vêtements. C’est très peu pour un périple de 33 jours. Il faut donc aller chercher en soi ce qu’on a de plus authentique. On ressent de l’adrénaline, mais on vit aussi beaucoup de moments d’émerveillement et de calme durant l’aventure. J’aime ces contrastes d’émotions, ces instants où mon cœur bat fort et ceux où je ressens du pur plaisir.
Quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés?
Il y a le froid bien sûr, qui empêche d’avancer rapidement. Il faisait souvent -30 °C et même -35 °C près du pôle Sud. Il faut aussi maîtriser ses capacités mentales. J’ai fait beaucoup de visualisation avant de partir. L’expérience acquise durant mes expéditions précédentes m’a beaucoup aidée. J’ai dû également m’entraîner des mois avant de partir.
Dans le livre, vous dites : « Savoir que l’humain se trouve maintenant déconnecté de ses racines me rend triste. Je crois profondément que le bien-être d’une société dépend de son lien de proximité aux environnements naturels ». Est-ce que nous gagnerions tous à être davantage dans la nature?
J’en suis convaincue. Je suis très inspirée par la méthode norvégienne qui permet aux enfants, quand ils sont à l’école, de passer plus de temps à l’extérieur. Leur bien-être passe par ce contact avec le plein air. Ma mission est d’amener plus de gens à vouloir passer du temps dehors. Si on est bien habillé, c’est très agréable, même en hiver.
Il y a beaucoup de solidarité féminine dans votre livre. Vous considérez-vous comme féministe?
La communauté polaire est un petit monde et elle ne rassemble que peu de femmes. En donnant des conférences et en organisant des activités, j’essaie de démocratiser mon domaine et d’inviter des femmes qui ne sont pas à l’aise à affronter l’hiver toutes seules à le faire avec d’autres femmes.
Les expéditions polaires sont-elles plus difficiles pour les femmes?
Certains enjeux peuvent être plus complexes. Quand je me joignais à des équipes, les gens pensaient parfois que j’aurais moins d’énergie physique qu’un homme. Mais les expéditions polaires demandent surtout de la force mentale. J’avais donc ce qu’il fallait pour affronter les défis de l’aventure. Cela dit, j’ai toujours eu de bonnes relations avec mes coéquipiers masculins.
Cela fait maintenant plusieurs mois que vous êtes revenue de votre périple. Avec le recul, qu’en avez-vous retiré?
J’avais oublié que j’avais besoin des autres. Chaque fois que je reviens d’une expédition, j’ai une meilleure écoute. L’expédition me permet de vivre chaque instant et, lorsque je reviens, d’être davantage dans le présent.
Êtes-vous prête à repartir quelque part?
Je prépare une expédition et un documentaire sur les Samis, une communauté autochtone vivant dans le nord de la Norvège. J’aide aussi mon conjoint, l’explorateur Vincent Colliard, à se préparer à relever le même défi que moi dans l’Antarctique. Mais pour lui, le record à battre est de 24 jours. Chaque semaine, j’anime aussi un balado, Itinéraire d’aventure, qui est diffusé toutes les semaines sur Spotify.