Marie-Pier Desharnais

Une alpiniste à l’assaut des plus hauts sommets du monde

Gestionnaire des risques, conférencière, mais surtout alpiniste, Marie-Pier Desharnais a grimpé les montagnes les plus hautes de la planète. À 37 ans, cette athlète d’exception est en voie de devenir la première femme à cumuler l’ascension des sept sommets montagneux et des sept sommets volcaniques. Elle est l’instigatrice d’Apex Woman, un projet qui vise à hausser l’empreinte féminine sur les montagnes les plus élevées, difficiles ou inaccessibles au monde. Nous nous sommes entretenus avec elle à l’occasion de la parution de son premier livre Nous sommes des montagnes.

VOTRE LIVRE COMMENCE PAR LE RÉCIT DU TSUNAMI QUI A FAILLI VOUS ENLEVER LA VIE EN 2004 EN THAÏLANDE. VOUS AVIEZ SEULEMENT 19 ANS. EN QUOI CET ÉVÉNEMENT A-T-IL CHANGÉ VOTRE VIE?

Il a chamboulé mon système de valeurs. J’ai dû me demander ce qui était important pour moi dans la vie, et qui j’étais vraiment. Pendant deux ans, j’étais complètement perdue. Jusqu’à ce que je découvre le programme de gestion des catastrophes à l’université. J’avais trouvé ma mission. J’ai compris que le tsunami avait été un cadeau et non une punition pour moi. Ma démarche actuelle est toujours reliée à la résilience et au besoin d’avoir un impact sur les gens. Mais on ne se débarrasse jamais vraiment du syndrome du survivant, de cette culpabilité d’avoir survécu alors que 300 000 personnes sont mortes. On apprend à vivre avec.

 

VOUS ÊTES TOMBÉ AMOUREUSE DES MONTAGNES EN 2016 LORS D’UN TREK AU NÉPAL. QU’EST-CE QUI VOUS A TANT PLU LORS DE CETTE EXPÉDITION?

J’ai eu le sentiment de reconnecter à quelque chose de vrai. J’évoluais dans un monde superficiel au Qatar où je travaillais comme gestionnaire des risques. L’argent, les belles voitures et les sacs à main étaient mis de l’avant. La montagne a agi comme un miroir. Je n’ai pas eu d’autre choix que de me regarder en face. Aussi, les relations que j’ai nouées lors de cette aventure étaient authentiques. La montagne m’a ramené à l’essentiel.

 

LA MONTAGNE EST PLEINE D’IMPRÉVUS ET DE DANGERS. VOUS AVEZ D’AILLEURS RÉCHAPPÉ À QUELQUES AVALANCHES. VOUS QUI ÊTES UNE SURVIVANTE D’UN TSUNAMI, N’EST-CE PAS CONTRADICTOIRE DE VOULOIR BRAVER LES MONTAGNES?

Oui, c’est une ironie! Je me suis outillée pour mieux faire face aux dangers en montagne, notamment aux avalanches, mais il y a toujours une part qui ne relève pas de nous. Il faut savoir s’écouter et s’arrêter. Reconnaître ses limites.

VOUS AVEZ CRÉÉ LE PROJET APEX WOMAN. DE QUOI S’AGIT-IL? QUEL EST SON OBJECTIF?

J’ai évolué dans un monde très masculin, que ce soit dans ma vie professionnelle ou dans ma vie d’alpiniste. On me faisait beaucoup de commentaires parce que j’étais une femme. Or, je trouvais que les femmes étaient fortes, résilientes et parfois meilleures que les hommes, notamment dans les sports d’endurance. En créant le projet Apex, j’ai voulu lancer le message que ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on est moins bonne.

 

VOUS ÊTES LA PREMIÈRE QUÉBÉCOISE ET L’UNE DES SEULES FEMMES AU MONDE PARMI 18 À AVOIR ESCALADÉ LE K2, UNE MONTAGNE RÉPUTÉE DANGEREUSE ET DIFFICILE TECHNIQUEMENT. QUE RETENEZ-VOUS DE CET EXPLOIT?

Le K2 est la montagne de ma vie. Elle m’a tellement appris de leçons. L’escalader a été une expérience spirituelle et transformatrice. Je me suis sentie minuscule devant tant de beauté. Chaque minute que j’étais encore en vie était un cadeau. J’ai vécu une expérience intense, une dualité entre la satisfaction d’être là où je devais être et la reconnaissance de pouvoir rester en vie à chaque instant.

 

POURQUOI AVOIR APPELÉ VOTRE LIVRE NOUS SOMMES DES MONTAGNES?

Tout le monde a des montagnes dans la vie, des défis, des obstacles à surmonter. Souvent, on a l’impression qu’on n’y arrivera pas parce qu’on est pris dans une vrille. Je voulais donner une autre perspective, dire qu’il faut explorer parfois d’autres avenues pour atteindre ses objectifs. Il n’y a pas de montagne inatteignable lorsqu’on est entouré des bonnes personnes.

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