Voyager en famille pour
s’en mettre plein les yeux

Quand Édith Lemay et son conjoint Sébastien apprennent que trois de leurs enfants sont atteints de rétinite pigmentaire, une maladie qui leur fera progressivement perdre la vue, ils décident de partir en voyage afin de remplir la mémoire visuelle de leur progéniture. La petite famille, composée de quatre enfants (Mia, 11 ans, Léo, 9 ans, Colin, 6 ans et Laurent, 4 ans), passe ainsi 15 mois sur la route dans 15 pays différents de 2022 à 2023. À l’occasion de la sortie de son livre (Plein leurs yeux : Pour qu’ils gardent en mémoire la beauté du monde), nous avons rencontré Édith.

TROIS DE VOS QUATRE ENFANTS SONT ATTEINTS DE RÉTINITE PIGMENTAIRE. EXPLIQUEZ-NOUS DE QUOI IL S’AGIT.

Trois de mes enfants ont un gène défectueux qui fait que les cellules actives de leurs rétines meurent peu à peu et que leur champ visuel se rétrécit. Avec les années, ils vont voir comme à travers une paille et pourraient même devenir complètement aveugles.

BEAUCOUP DE PARENTS VONT SE DIRE EN LISANT VOTRE LIVRE QUE PARTIR AVEC QUATRE ENFANTS N’A PAS DÛ ÊTRE FACILE…

Ça n’est pas plus compliqué qu’à la maison. C’est sûr que d’être 24/7 avec les enfants demande beaucoup d’énergie. Avec mon conjoint, on se donnait des pauses. On prenait chacun un moment loin de la famille quand on en avait besoin pour souffler un peu.

VOUS AVEZ VOYAGÉ DANS DES CONDITIONS TRÈS MINIMALISTES. DANS LE LIVRE, VOUS DITES QUE LES ENFANTS SE SONT SOUVENT MIEUX ADAPTÉS QUE VOUS…

Oui, les enfants ne voient pas les mêmes choses que nous. Par exemple, le niveau de propreté ne les dérange pas. Et ils peuvent ne pas se laver pendant une semaine et être contents. Pour nous, les adultes, c’est plus difficile! (rires)

VOUS DITES QUE VOYAGER AVEC DES ENFANTS VOUS A AUSSI OUVERT D’AUTRES PORTES. LESQUELLES?

Celles des rencontres, notamment. Il y a quelque chose de spécial quand on rencontre une autre famille avec des enfants. On dirait que cela brise des barrières. Les gens voient davantage nos points communs. En tant que parent, on se reconnaît dans l’autre même si les cultures sont différentes. Quant aux enfants, même s’ils ne parlent pas la même langue, ils jouent facilement ensemble. Et quand ils jouent, les parents se mettent à se parler. Cela crée des ponts!

QUEL EST LE PAYS QUI VOUS A LE PLUS MARQUÉE?

Tous sont magnifiques, mais j’ai été vraiment touchée par le Népal, à plusieurs niveaux. Par ses paysages, mais aussi par les rencontres que nous y avons faites, en particulier dans le village de Ghormu. Claude, un Breton, y a mis sur pied une association, qui, par ses microactions, a une énorme influence sur les gens du village. Par exemple, cet organisme finance la cantine du midi à l’école, ce qui permet non seulement aux enfants de bien manger, mais incite aussi les parents à les envoyer à l’école.

REVIENT-ON CHANGÉ D’UN TEL PÉRIPLE?

Oui, c’est sûr. Il y a des choses que l’on sait. Par exemple, on sait à quel point on est privilégiés. Mais de le constater en voyageant n’est pas la même chose. On voit les iniquités, les conditions de vie des gens sur la planète. Cela vient nous chercher. On ne peut pas regarder la vie de la même façon après cela. Ni se plaindre de notre existence de la même façon. Il y a aussi l’aspect écologique. Nos enfants savaient qu’il fallait réduire le plastique. Mais quand ils ont vu des plages où on ne pouvait avoir accès à l’eau à cause des innombrables déchets, cela les a marqués. Maintenant, ils comprennent vraiment pourquoi il faut réduire le plastique.

DANS LE LIVRE, VOUS DITES QU’AVEC LEUR HANDICAP VISUEL, VOS ENFANTS DEVRONT RELEVER TOUTE LEUR VIE DES DÉFIS. EN QUOI CE VOYAGE A-T-IL CONTRIBUÉ À LES RENDRE PLUS FORTS?

En voyage, il faut s’adapter en permanence à de nouvelles situations, sortir de sa zone de confort. À force, on développe des réflexes pour s’adapter plus rapidement. Aujourd’hui, j’amène mes enfants n’importe où et ils n’ont pas de stress de l’inconnu, mais plutôt une curiosité. Donc plus tard, quand ils auront des défis, ils trouveront des solutions. Ils vont s’adapter.

AVANT DE PARTIR EN VOYAGE, VOUS AVIEZ DRESSÉ UNE LISTE DE CHOSES QUE VOUS AIMERIEZ ACCOMPLIR. VOUS RESTE-T-IL DES RÊVES QUE VOUS N’AVEZ PAS ENCORE RÉALISÉS?

Oh oui! En fait, plus on voyage, plus cette liste s’allonge, car on rencontre d’autres voyageurs qui nous donnent envie d’aller à d’autres endroits. Et plus rien ne nous fait peur!

QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS À UNE FAMILLE QUI SOUHAITE VOYAGER PLUSIEURS MOIS COMME VOUS?

De foncer! Il ne faut pas attendre le moment parfait, car il n’existe pas. Mais il faut se respecter et trouver sa propre façon de voyager, ses envies, ses limites.

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