Pia Metni
Voir la vie en lignes
Minimaliste, l’œuvre de Pia Metni est construite autour de la ligne et de la monochromie. Pour celle qui pendant des années s’est sentie obligée de se conformer à ce que l’on voulait qu’elle soit, l’art est en effet une quête de légèreté et d’harmonie, mais surtout de liberté. Travaillant l’acrylique à la manière du dansaekhwa, un mouvement minimaliste coréen, fabriquant des pochoirs pour tracer une grille infinie sur du papier embossé, ou encore, se servant d’un tissu pour magnifier ses dessins, Pia explore matières, textures et techniques afin de faire surgir de l’émotion brute.
La peintre canado-américaine Agnes Martin, figure bien connue du minimalisme, disait : « De la musique, les gens acceptent de l’émotion pure, mais de l’art, ils veulent une explication ». Cette affirmation pourrait résumer le travail de Pia Metni : une vibration sensible, une émotion pure. Les lignes et les grilles qui peuplent ses toiles agissent en effet comme un mantra, une répétition des formes qui fait vibrer. Libérée de toute représentation symbolique ou figurative, l’artiste réduit au maximum les formes qu’elle utilise pour rendre sur la toile ses états émotifs et sa quête de vérité. Dans sa série sur papier embossé, elle a ainsi passé des heures à tracer une multitude de lignes à l’aide de pochoirs qu’elle a préalablement conçus. « Je vois la vie en lignes. Certaines sont plus foncées, car elles marquent des événements, les aléas de l’existence. D’autres s’entrecroisent comme autant de trajectoires. Mais elles ont toujours un pouvoir exponentiel, parce qu’on ne sait jamais jusqu’où elles peuvent nous mener », commente la jeune femme.
Il faut dire qu’avant de s’autoriser à devenir peintre, Pia a travaillé durant treize ans dans le secteur médical, un milieu très rigide. C’est en revenant d’un voyage de plusieurs mois en Asie qu’elle décide de changer de carrière. « Après avoir parcouru en sac à dos la Mongolie, le Bhoutan et le Japon, je suis rentrée à Montréal et j’ai commencé à peindre. Créer était pour moi un acte de rébellion. Cela répondait à une urgence de vivre, de dire quelque chose », explique-t-elle. Pia s’est plongée dans la pratique de la peinture tout en suivant des cours d’art et de théâtre. Puis, entre 2018 et 2020, elle a mis au monde deux beaux enfants. Mais la fatigue de la maternité ne l’a pas découragée. Au contraire, elle a passé des nuits dans son atelier, habitée par des rages de créativité. Aujourd’hui, Pia s’adonne à temps plein à sa passion, et les portes commencent à s’ouvrir.
UNE SÉRIE DE MONOCHROMES
Ses œuvres les plus récentes, des monochromes noirs, marquent un retour à elle-même. « J’avais besoin de retrouver cet aspect physique de la peinture et le côté brut de la monochromie. Je me reconnais davantage dans cette tendance minimaliste. J’ai en moi un côté masculin que la monochromie permet d’exprimer. »
S’inspirant du mouvement coréen dansaekhwa, ses monochromes tentent d’inscrire sur la toile toute son expérience de vie en un seul mouvement. Cette pratique, qui ne laisse pas de seconde chance pour corriger le geste, utilise la peinture comme une technique corporelle, proche d’un art martial. Il faut d’ailleurs voir Pia se tenir accroupie et dérouler, à l’aide d’une spatule, une couche épaisse d’acrylique noir.
Imprégnée d’une esthétique japonisante, Pia aime concevoir des œuvres dont la neutralité des couleurs et l’harmonie donneront envie à leurs acquéreurs de vivre avec au quotidien. Pour chacune, elle tient à prendre le temps dont elle a besoin. Cet éloge de la lenteur, allant à l’encontre de notre mode vie actuel, s’apparente d’ailleurs à un acte politique. « Faire du beau, être en recherche d’équilibre, demande de ralentir », conclut-elle.